Blog suisse de littérature

28 octobre 2014

Beatus vir qui timet, qui timet Dominum.

La vieille mélodie sicilienne trotte dans ma tête.

Bonaventuro Rubino.

J’essaie d’y fourrer d’autres notes, celles d’une Sicile plus récente, celle du Parrain, jouée hier soir, mais rien à faire, Rubino s’entête.

Comment une mélodie s’installe-t-elle dans l’esprit ? Pourquoi, à tel moment, est-ce tel air qui obsède ? Dès le réveil, c’est là et ça n’en part que détrôné, comme Napoléon, qui, étant corse, était presque sicilien. Parfois, comme lui, elle fait ses Cent-Jours, mais la nouvelle mélodie, ou une mélodie plus ancienne encore, qu’on croyait avoir oubliée, celle des Bourbons ou des soirées whisky, revient, ravageuse, nouvelle tyranne indélogeable, sinon par une nouvelle Révolution de cervelle.

L’esprit humain reste un mystère. Mon propre esprit m’échappe, me dépasse, fonctionne sans que j’y puisse grand chose. Suis-je libre ? Je mets en place les stratégies pour l’être mais revoilà beatus vir qui timet, qui timet Dominum, heureux l’homme qui craint Dieu, l’homme qui se soumet à une vérité qu’on lui impose, qui ne s’embarrasse pas de liberté et de mélodies nouvelles. Dieu pourtant reste invisible et l’homme craint une ombre.

Qu’y a-t-il à craindre ? Peut-on être à la fois heureux et dans la crainte ? Etrange parole, chantée avec joie, alors qu’elle devrait donner des frissons dans l’échine bientôt brisée, qu’elle devrait terroriser le corps qui se mourra demain, qu’elle devrait appeler à la rescousse des musiques plus profanes.

La valse du Parrain enterre un corps troué dans l’ironie. Elle n’oublie pas Dieu, elle le défie.

Des filles, voilà ce qu’il manque, mais le raccourci opéré par mon cerveau (est-ce ici bien le cerveau ? n’est-il pas connecté plus bas ?) m’éloigne de ma pensée, comme si la rigueur des rouages abstraits, par un grain de son évocateur, se déglinguait, parce que le langage n’est pas la pensée, il est le produit s'échappant des arabesques mystérieuses du cerveau qui s'amuse.

Je ne maîtrise pas ce que j’écris. Cela s’écrit. Cela veut des effets littéraires, des trouvailles de style, des fulgurances de vérité, mais cela ne trouve pas plus Dieu que la mélodie ancienne. L’écriture est une mélodie sans paroles. On dit sans dire. Cela va sans dire.

Sentir. Un décalage et tout change de point de vue, de point de nez même. Je pète. J’ai un goût de café dans la bouche. Une voiture passe. Le présent aussi passe, trop vite, comme les mots dans la tête.

Seule reste la mélodie : beatus vir qui timet, qui timet Dominum ou Le Parrain.


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.