Une petite silhouette venait de jaillir du couloir, derrière Mrs O’Rourke. Je ne reconnus pas immédiatement sa fille Janet, qui se précipita dans les jupes de sa mère.
- Janet, voyons, tu n’as pas vu qu’il y avait un monsieur ?
- Si maman, j’ai vu, est-ce que c’est un vilain monsieur ?
- Janet, voyons !
La fillette me dévisagea.
- Est-ce que tu fais dodo avec ma maman, monsieur ?
- Janet, voyons ! Excusez-la, monsieur O’Sandoy, elle ne sait pas ce qu’elle dit.
- Parce que monsieur O’Boltey, il fait dodo avec ma maman, et monsieur O’Tool aussi, et monsieur O’Brandy, c’est pareil.
- Tu vas te taire, oui ? Excusez-la, monsieur, elle a beaucoup d’imagination.
- Pas tant que ça, maman. Ils vont et ils viennent depuis toujours, les vilains monsieur, chez ma maman. D’ailleurs, mon papa aussi, il est allé et il est venu. Il s’appelle monsieur O’Rankey, mon papa, et toi, comment tu t’appelles ?
- Monsieur O’Sandoy, répondis-je.
- Comme l’épicier ? Parce que l’épicier aussi, il vient des fois faire dodo avec ma maman.
- Tu vas te taire, oui ?
La petite fille s’en alla.
Je restai seule avec madame O’Rourke et l’observai quelques instants. Se pouvait-il que cette ménagère…
- Pourquoi me regardez-vous ainsi, monsieur O’Sandoy ? Vous vous demandez si Janet dit vrai, n’est-ce pas ?
Je continuai à la regarder en silence.
- Eh bien oui, c’est vrai. Ils font tous dodo avec moi ? Vous voulez voir ?
- C’est que je ne…
- Allons, ne faites pas votre mijaurée, monsieur O’Sandoy, entrez, je ne vais pas vous manger.
Elle me montrait la porte de sa chambre. Je la suivis. Sur le lit étaient alignés plusieurs dizaines de nounours.
- Monsieur O’Sandoy, je vous présente monsieur O’Boltey, monsieur O’Tool et tous les hommes qui ont tenté d’être vilains avec moi. Si vous ne touchez ne serait-ce qu’à un seul de mes cheveux, vous subirez le même sort qu’eux.
Derrière la paroi, on pouvait entendre le rire d’une enfant.
- Bien joué, maman.
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