Blog suisse de littérature

Café du Théâtre, dimanche 5 mars 2017, 9h

Il existe encore quelques vieux bistrots pleins de fleurs sur les nappes, sur les lampes et sur les ventilateurs.

On y est accueilli par une robuste poignée de main du patron, qui répond au doux prénom d’Edgar, et qui s’avance, bourru, entre deux boilles décorées de vaches et de chevreuils. Sur le comptoir trônent, rois sans emploi aux heures sans enfants, vingt paquets de chips zweiffel nature et paprika. A côté, bien sûr, il y a la cagnotte.

Un vieux lit le journal. Un habitué. Seuls les vieux bistrots ont des habitués, les autres ont des clients.

Avec le café du matin, si on prenait pour la route une petite langue de bœuf sauce aux capres, Rindszunge an Kapernsauce pour les intimes, ou une petite saucisse à rôtir de sanglier, ou plus joliment encore une Wildschweinbratwurst !

Au café du théâtre, on s’empiffre de bidoche en crachant sur la véganie ambiante. A la saison de la chasse, ça ne désemplit pas, ni les tables, ni les assiettes. On a avalé, l’automne passé, dix-huit royaumes les oreilles baignées dans la sauce de Radio Swiss Pop, seule touche de modernité plus ou moins tolérée.

Pourquoi ce nom de café du Théâtre ? Sans doute encore un souvenir évaporé.

Sur les miroirs, comme un rideau.

Voilà d’autres habitués. On se dit Salü Tzame mais on se parle en français, puis en suisse allemand, puis à nouveau en français, puis à nouveau en suisse allemand.

La serveuse recoiffe la moumoute en pétard d’un moustachu qui feuillette un journal, la page de la Gruyère d’il y a cent ans sans doute, ou les FN.

Le Café du Théâtre, malgré ABBA en bruit de fond, est le stamm du Jodlerclub Edelweiss Freiburg. Il semble plus tenir du musée que du théâtre. D’ailleurs, hélas, le café du musée est fermé depuis belle lurette, expression elle aussi en voie de disparition.

« I just want to say I love you », chantonne la serveuse.

Jadis, ici, sont nées des amours éternelles. De temps en temps, en face, à la cathé, on en enterre les derniers survivants.


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.