A l’entrée, il est écrit viennoiseries. Sur le mur, des dorures impériales vous téléportent dans le Café Central au temps de Sissi et de la polka. Un synthétiseur et une voix débraillée viennent tout gâcher. La statue de Johann Strauss, le château de Schönbrun et les larges avenues de la capitale austro-hongroise semblent soudain bien loin. Ici, on choppe au passage quelques allusions au patrimoine, on les brasse et on les tire au sort afin que vos courses prennent un vague air de voyage. Quelques mètres plus loin est tracée une frontière. Des tables à damier et des murs rougissants singent une modernité cosi où des couples fatigués essaient d’oublier que le bébé fait ses dents. Dehors défilent sans fin voitures et camionnettes. Pas une calèche, pas un promeneur, pas même un convoi funèbre emportant lentement quelque aristocrate décati vers un monde meilleur. Aujourd’hui, on enterre le monde comme jadis on enterra Mozart, dans l’indifférence. Roulez, belles automobiles, prenez l’autoroute, roulez encore, roulez toujours, fuyez les arbres qui survivent, mourez dans des accidents spectaculaires qui feront la Une des journaux télévisés. Demain, vous ne serez qu’un vague souvenir, un peu comme la Vienne de jadis qui fut, prétendent d’aucuns, au cœur de la plus distinguée des cultures. Le chanteur miaulant ne semble pas d’accord. Il n’a jamais entendu la nuit transfigurée de Schönberg.
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