Eric Chevillard, Démolir Nisard

On connaît ses manœuvres. Prêt à tout pour éviter de sortir son porte-monnaie, il trouve toujours le moyen pour oublier de payer leur dû à ses subalternes. Il critique leur travail, forcément mal fait, retient sur leurs salaires des sommes presque aussi importantes que la totalité de ce qu’il leur doit, fait l’étonné si on lui fait remarquer que rien n’a encore été versé, accuse son comptable, ce qui lui permet de retenir également sur le salaire de celui-ci, monte sur ses grands chevaux en jurant qu’il a toujours été juste à l'endroit de ses employés, s’indigne, se plaint dans la presse, à la radio, sur les plateaux de télévision, se présente en entrepreneur humaniste, en ami de la classe ouvrière, en innovateur se souciant peu des triviales questions de menue monnaie qui obsèdent ses collaborateurs. En réalité, personne ne connaît tout à fait ses manœuvres, parce que personne ne reste jamais assez longtemps à son service. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il est milliardaire et que tout le monde se bat pour travailler avec lui.