Blog suisse de littérature

Georges Bernanos, Sous le soleil de Satan

« Que me parliez-vous du troisième état mystique ? vous disait-il…

Ne me dites pas que vous ne vous en souvenez pas, allons, le troisième état mystique ! Pourquoi vous êtes-vous autant attardé sur cette question ? Je brûle de le savoir. »

Vous le regardiez, abasourdi. Le troisième état mystique ? Qu’est-ce que c’était encore pour un délire ? Vous n’aviez jamais entendu parler ni du premier, ni du deuxième état mystique, alors le troisième, non, vraiment, vous ne voyiez pas où il voulait en venir.

« Vous étiez debout sur votre lit, les bras en croix et l’écume aux lèvres et vous vous tailladiez les veines en discourant sur le troisième état mystique, vous ne vous en souvenez vraiment pas ? »

Vous aviez bien remarqué ces marques sur votre peau mais vous aviez cru à une chute à vélo. C’était du moins ce que vous avaient expliqué les bonnes soeurs à votre réveil.

« Vous parliez à Dieu et Il vous répondait ! Une expérience pareille, ça ne s’oublie pas, voyons ! Vous disiez même vous être fondu en Dieu. »

Fondu, oui, c’est ça, complètement fondu, pensiez-vous, c’est vous qui êtes complètement fondu, monsieur le curé.

« Mais pourquoi, je tiens absolument à le savoir, pourquoi le troisième état mystique ? Par quel miracle avez-vous pu pénétrer si avant dans la compréhension des mystères de l’univers ? »

Quoi pour des mystères ? Il avait perdu la boule ou quoi ?

« Vous savez, j’ai une telle soif de connaissance. J’aimerais vivre ce que vous avez vécu. Je n’en dors plus la nuit, vous savez. »

« Alors, vous y êtes bientôt, mon petit, encore un effort et vous y serez, au troisième état mystique. Prenez ce rasoir et tailladez-vous les veines, écumez toute la salive de votre corps et sautez sur votre lit jusqu’à en péter les ressorts, mais de grâce, cessez de m’emmerder avec vos bondieuseries ! » avez-vous répondu, excédé.

Le troisième état mystique, c’est quand Dieu éclate de rire en criant « Poisson d’avril, je n’ai jamais existé ! », avez-vous pensé. Puis vous avez à nouveau regardé les traces sur vos bras et repris vos auto-flagellations. 


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.