Une bestiole de ferraille illuminée pour un Noël imaginaire, Avenue du Champagne de son petit nom, surveille les menteurs rivalisant de saillies à la table éponyme. Les nuits d’orage, raconte le plus suisse allemand de la bande, je me mets tout nu sur la terrasse. Un autre : à l’époque, les femmes étaient gentilles. Y a-t-il un lien ? Venaient-elles avec lui, nues sur la terrasse, écouter le grondement du tonnerre ? Y a-t-il alors eu coup de foudre ? Des voix trop peu romandes viennent brouiller mon écoute soudain déçue. La serveuse rigole. Une moitié sur la terrasse. L’autre moitié… Une seconde bête de ferraille, au-dessus de la porte donnant sur la salle du petit déjeuner, traite les clients de « salo ». Personne ne s’en offusque. On continue à parler de l’orage de la veille, des plants de tomates arrachés et des aventures charnelles de la terrasse. On rit de plus en plus fort. En allemand. Ça fait froid dans le dos. Pourquoi Avenue du champagne n’intervient-elle pas ? Le grelot qui lui pendouille aux pattes ne tinte même pas. Elle – c’est une femelle, elle est habillée de rouge – reste en suspension, reine de ce bouge où la monnaie sans cesse tinte à sa place. Elle voudrait juste qu’on pende en face d’elle, à la place de ce ventilateur immobile, un machin rouillé habillé de bleu, pas un « salo », non, juste une sculpture, contemporaine comme elle, un ami à la Tinguely avec qui elle pourrait grincer les nuits d’orage, un alter ego avec qui elle pourrait s’emmêler la guirlande toute nue sur la terrasse, attirant enfin sur elle l’éclair d’amour qui lui donnerait vie.
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