Blog suisse de littérature

Jo Berset, De Tito à Castro, Charmes et tribulations du voyage en pays communistes

Il s’approche de moi et me demande mes documents, dans un français presque sans accent, calmement, sans agressivité.

Eu égard à son uniforme, je lui montre patte blanche, carte grise et permis de conduire. Soudain, contre toute attente, le voilà qui s’énerve : « Toi, sortir voiture, schnell, tu comprise ? hopla, schnell, kopfertami nonemôôl ! »

Qu’est-ce que j’avais bien pu faire ? Le flic était rouge comme un drapeau suisse sans sa croix. Pendant que j’ouvrais ma portière pour obéir à ses injonctions, il continuait à hurler dans une langue de plus en plus sauvage des grossièretés, du moins le ton qu’il prenait me le suggérait, car je n'ai jamais rien pigé au baragouinage des Bourbines. 

« Mains sur capot, Hände auf la voiture, capito ? » Il venait de sortir en un rot tout son vocabulaire welsch. Obéissant, je posai mes mains sur le capot. Il devait me prendre par erreur pour quelque dangereux criminel en cavale. « Maintenant, il faut tu avoues. » 

J’aurais été tout disposé à avouer si j’avais eu le moindre forfait à avouer. Certes, depuis six mois, je trompais Bernadette avec Gertrude, mais même en Suisse allemande, le code de la route ne punit pas l’adultère. D’ailleurs, je n’avais baisé Gertrude ni en Suisse allemande ni dans ma voiture. La police cantonale - j'étais dans quel canton, au fait? Uri? Schwitz? Unterwald? - ne pouvait donc rien me reprocher.

J'allais chez Gertrude le vendredi, quand son mari était à la répétition de la fanfare. Il ne rentrait jamais avant minuit. On était tranquille. Je la tringlais à la bonne franquette, vite fait bien fait, et tchô bonne, on se donnait rendez-vous le vendredi suivant ; mais bon, ce flic n’avait rien à voir avec le mari de Gertrude, donc mon crime devait être d'une autre nature.

Soudain, l'agent éclata de rire : « Bienvenue Kanton Obwald ! Vous avez eu peur, hein ? » Je fis comme si je n’avais pas été à deux doigts de pisser dans mon froc, me remis au volant, fis demi-tour et rentrai le plus vite possible du bon côté de la barrière de röstis, non sans avoir sorti à cet abruti mes plus vertes insultes patoisantes. 

Désormais, le vendredi soir, j'ai fanfare. 


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.