Drapeau du Québec et maillot dragon, la déco est glaciale. Des casquettes pendouillent, sous les ordres d’un attrape-rêve qui n’attrape que la poussière. Une voix trafiquée par bidouillage électronicien geint dans des boîtes noires qui causent aux casquettes. Puis c’est l’heure de la publicité, pour des matelas, parce qu’en effet, on rêve – rêve poussiéreux s’il en est – de retourner se coucher. La dame du service – serveuse est un mot qui n’a d’intérêt que si la dame est mignonne – se tire un café. Elle soupire. Elle aimerait partir ailleurs, refaire sa vie dans le Grand Nord, quitter le gris du boulevard de Pérolles, éteindre le gémissement de ce chanteur insupportable. Je rêverai de ton visage, râle-t-il. Un visage de bûcheron, une barbe, une chemise à carreaux, un ours et un caribou comme ces ombres affichées au fond du bistrot, histoire de se rappeler que là-bas, le monde est moins étriqué, qu’il est plus libre et plus sauvage. La dame du service essuie les verres au fond du café, comme dans l’autre chanson. Un client s’en va. Il demande si tout va bien. On répond oui pour pas pleurer. Bientôt, les étudiants seront de retour, il y aura d’autres voix à se mettre dans les oreilles que ces miaulements de sensibles à tatouages. Son bûcheron québécois, lui, n’aura pas de tatouage, il sera velu, baraqué, rustre au grand cœur, maladroit en caresses mais d’autant plus attendrissant, dur à la tâche, passionné, amoureux de la nature, tendre, rude et sauvage quand il la serra dans ses pattes costaudes d’adorable homme des neiges, il aura une voix grave et profonde comme la forêt boréale et jamais il ne boira de café. En secret, il se demandera comment il est possible de supporter une aussi crouille – il aura son mot à lui, un des mots de trappeur qui font frémir la dame du service – une aussi crouille – c’est son mot à elle – équipe de hockey que Fribourg Gottéron.
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