Blog suisse de littérature

Marc Ferro, La Grande Guerre 1914-1918

  • Vincent Francey

Alerté par un plaisantin fort douteux qui cherchait à se faire mousser afin d’épater la galerie féminine qu’ils se proposait de séduire de façon tout aussi douteuse que ne l’était sa plaisanterie, alerté, affirmions-nous non sans effroi et avec quelque malice certes déplacée mais néanmoins narquoise, alerté, disais-je tout en retardant l’annonce fatale indéfiniment afin de ménager un effet de surprise qui ne manquera pas de vous épater, alerté à un niveau d’alerte jusqu’à ce jour inégalé et probablement, sauf surprise encore plus manifeste que celle que je m’apprête à vous offrir, inégalable, alerté, puisqu’il est temps de sonner le tocsin, à un niveau d'alerte niveau 35 sur l'échelle de Richter, qu’un attentat non pas à la bombe ni au gaz ni au couteau ni au marteau ni à l’aiguille à tricoter ni au coton-tige ni au lutrin ni à l'eau de javel, un attentat, disais-je, beaucoup plus spectaculaire que tout ce que votre imagination, et Dieu c’est si celle-ci est tordue – je vous conseillerais d’ailleurs, si ce n’est pas déjà fait, de voir quelqu’un, je veux dire un docteur de l’esprit, un de ces charlatans qui vous fait coucher sur un divan sans même vous masser la plante des pieds et qui vous écoute débiter les plus débridés et les plus malsains de vos phantasmes (le soutien-gorge de votre tante qui flotte au vent pour permettre l’atterrissage d’un parapente, la gaine-culotte de votre grand-mère retrouvée par miracle à l'occasion d'un vide-greniers, les chaussettes de mon beau-fils pas lavées depuis trente-sept ans, le string de Josiane Balasko et j'en passe, pour en rester à des perversions tout à fait classiques et en général sans conséquence rédhibitoires sur votre santé mentale) – un attentat donc hors du commun à la scie-sauteuse allait être commis – nous devrions dire perpétré, ça ferait plus peur, mais je pense que les précautions prises en hors-d’œuvre à l’aveu que allons vous faire et les circonvolutions rhétoriques que nous venons d’y adjoindre suffisent à vous convaincre de l’énormité et de la gravité de l’acte à venir – un attentat à la scie-sauteuse – j’ai cherché, c’est une première, ça promet un spectacle de toute beauté digne du Puy-du-Fou et de la Fête des Vignerons – allait être commis, disions-nous en frémissant d’en annoncer plus à l’occasion unique à ne pas manquer – le prix d’entrée est de deux-cent-trente-huit euros, ce qui est une peccadille compte tenu du caractère à la fois exceptionnel et mirifique du spectacle auquel vous ne manquerez pas de participer si votre psychanalyste vous y autorise, ce qu’à sa place je m’empresserais de faire afin de me débarrasser une fois pour toute de vous et de vos névroses qui de toute façon sont parvenues à un stade beaucoup trop avancé pour qu’il y puisse changer quoi que ce soit – l’occasion unique, disions-nous, de la venue – une venue qui ne sera pas suivie d’un départ et c’est en cela que réside le caractère proprement inouï d’un tel événement, qui ne se produit qu’à peine une fois par siècle, et encore – la venue, disais-je, de François-Ferdinand, archiduc d’Autriche, héritier de la couronne de l’éternel – c’est du moins ce que le malheureux pense aujourd’hui, puisqu’il n’a pas été mis dans le secret de notre petit sauterie à la scie qui ne manquera pas de l’impressionner, disais-je donc, afin que vous ne perdiez pas le fil – je sais à quel point vous êtes fragile de l’esprit, mon ami Sigmund me l’a dit – qu’un attentat à la scie-sauteuse (sic) allait être commis à l’occasion de la venue de Franz-Ferdinand – François, ça fait chochotte, genre François Hollande boudiné dans son costume après un repas trop copieux en compagnie d’Angela Merkel, Franz, c’est plus chic, ça sonne autrichien au possible, on se croirait au concert du Nouvel An à taper des mains pendant la marche de Radetzky tout doucement sans enlever ses gants puis très fort pour faire s’extasier la jet-set nipponne venue assister à un événement qu’elle croit prestigieux mais qui n’est rien comparé à ce que nous vous concoctons sous peu à Sarajevo, la ville des Jeux Olympiques d’hiver 1984, oui cette même ville qui vécut depuis lors tant de tragédies qui ne sont rien face à ce qui l’attend dans quelques instants, à moins qu’un sinistre individu genre Pašic, que tout le monde a oublié, contrairement à Gavrilo Princip, l’auteur d’un attentat pourtant bien banal, un bête coup de pistolet qui néanmoins provoqua, apprend-on dans les livres d’histoire, une guerre mondiale, la première – nous croyons fermement que notre plan supplantera ce petit assassinat de rien du tout et que la Troisième Guerre mondiale qui nous pend au nez sera un spectacle son et lumière plus grandiose encore qu'Holliday on Ice, à moins que, comble de malheur, un sale type du genre de celui dont nous avons déjà oublié le nom n'eut l'intention de prévenir, car n’oublions pas que prévenir c’est guérir et que notre monde est bien malade, l’action machiavélique que nous avons pris tant de temps à mettre sur pieds et qui, si elle se déroule – prions le Tout-Puissant pour qu’il intercède en notre faveur – comme nous l’avons envisagée, tient, je vous l’assure, lieu de chef-d’œuvre en matière d’attentat, à moins que, et ce serait pour nous une catastrophe dont nous ne nous remettrions jamais, un de ces fonctionnaires de l’ONU, de la Confédération helvétique et de ses services secrets, une sorte d’espion bernois à la solde des lobbys de l'outillage, ne cherche à faire homologuer la scie-sauteuse évoquée plus haut et lui trouve, détail sidérant, un défaut de fabrication qui réduirait à néant notre plan pourtant génial, un plan signé par les trois membres – le président, le secrétaire et le caissier – de la célèbre et terrifiante Main Noire.

Phrase interminable grossissant une phrase tirée du livre La grande Guerre 1914-1918 de l'historien Marc Ferro : "Alerté qu'un attentat allait être commis à l'occasion de la venue de François-Ferdinand à Sarajevo, Pasic voulut prévenir l'action de ses services secrets, membres de la Main Noire." 


Post précédentRien Post suivantLes deux Achille

Commentaires et réponses

×

Nom est requis!

Indiquez un nom valide

Adresse email valide requise!

Indiquez une adresse email valide

Commentaire est requis!

* Ces champs sont requis

Soyez le premier à commenter

A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.