Blog suisse de littérature

Nicolas Bouvier, L’usage du monde

Le soir, les brochettes de mouton et le petit luxe du coup de pruneau sous les sorbiers élèvent un peu le prix du repas.

Il faut dire que nous avons rudement faim et qu’il fait terriblement soif. Et puis, nous sommes riches. Alors, pourquoi se priver de la chair tendre d’un mignon petit agnelet saigné à blanc en pleine rue par un boucher négligeant ? Par pitié ? On voit que vous n’avez jamais goûté les divines brochettes des nuits sous les sorbiers.

Et si parfois en effet nous vient une larmichette lorsque nous songons à l’animal souffrant le martyre, à son égorgement sauvage et à sa lente agonie sur le sol poussiéreux d’une sombre impasse, la deuxième larme, celle de pruneau dans le petit verre, nous rassure. Et si une seule larme ne suffit pas, allez hop, une deuxième, à la santé de maman brebis et de papa bélier, puis une troisième, à la santé de tonton berger, et une quatrième, à la santé de…

De qui ? Nous n'en avons plus aucune idée quand l’addition arrive, presque aussi salée que nos larmes.


Post précédentJordi Savall, Bataille entre Français et AnglaisPost suivantPhotogriffouille 43

Commentaires et réponses

×

Nom est requis!

Indiquez un nom valide

Adresse email valide requise!

Indiquez une adresse email valide

Commentaire est requis!

* Ces champs sont requis

Soyez le premier à commenter

A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.