Pierre Béguin, Terre de personne

• 25.09.2017

Elle avait en effet décidé de négliger les alligators et autres piranhas toujours à l’affût de chair humaine bien tendre afin de se tremper quelque peu les miches. Pour ce faire, elle avait enfilé ce bikini rose qui me mettait dans tous mes états et s’était dirigée vers les flots agités du Potoutoumancou. J’avais bien tenté de l'en dissuader mais autant convaincre un chacal de s’adonner au véganisme.

Donc je l’accompagnai. Comme elle savait que j’étais derrière elle sur cet étroit ponton qui dessinait une incise dans le courant, elle accentuait le balancement de ses hanches afin que je perdisse toute véléité de retour à la case départ. J’étais bercé par les remous de son gracieux popotin perché sur le Potoutoumancou et ne songeais qu’à l’heure délicieuse où enfin sortie du marais infâme où elle allait se jeter, je tiendrais dans mes mains expertes – disait-elle pour que je ne me vexe pas – ces fesses exquises, quand plouf, un peu trop distrait, je tombai à l’eau.

Les alligators et les piranhas se précipitèrent sur mon corps chétif qui désespérément s’agitait en vain. Elle, imperturbable et sexy, continua sa marche chaloupée vers la baignade.

Un orteil et une main d’ores et déjà bouffés, je parvins à m’accrocher au piloti du ponton et à me hisser miraculeusement sur le bois ferme. A plat ventre sur les planches, je la vis plonger. Je courus alors au bout du ponton. « Viens mon chéri, elle est bonne ! », me lança-t-elle, sans se rendre compte que les piranhas venaient d’arracher le haut de son bikini rose et les alligators le bas, une tâche qui m’était pourtant officiellement dévolue.

Je ne protestai pas et rebroussai chemin. Finalement, elle n'était pas si bonne que cela.