Les solitaires restent dedans. Ils sont perdus dans les réseaux asociaux ou dans les journaux de la veille. Ils mangent à des heures incongrues. Eparpillés, ils justifient la taille du lieu. Les solitaires, ça prend de la place. Sur la terrasse, mince bande de tables au bord de la route, il semble que les gens parlent entre eux. Dedans, seule une vague musique, une voix féminine énervante (toutes les voix féminines sont énervantes quand on est solitaire) nous accompagne dans la monotonie d’une fin d’après-midi trop chaude. Ceux de dehors ont le sourire quand ils partent. Ils narguent les solidaires maussades. Une petite fille gambade. Les solitaires rêvent de flingue. Pourtant, si tous les solitaires du monde se donnaient la main… Non, ça ne marchera jamais. Dès qu’on est trois, il y a déjà un solitaire. C’est comme les emmerdes, les solitaires, ça s'accumule. Un barbu à lunettes (les solitaires sont tous plus ou moins barbus à lunettes) mastique lentement son dernier grain de riz. Il est là depuis midi. Il mange lentement, grain par grain, petit pois par petit pois, lentille par lentille, un repas qu’il voudrait sans fin. Mais, repu, il est seulement sans faim. A la fermeture, il devra se lever, rentrer dans la chambre sordide où il s’ennuie le reste du temps et penser, énervé, à des voix féminines qui le rendraient moins solitaire. Rentrons nous raser.
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