Pas de produits locaux, surtout pas. Tout est importé d’Asie. Je sirote une bière japonaise dans un verre Carlsberg. Le Danemark, c’est en Asie, non ? Parfois, la géographie se brouille. Un parasol se prénomme Café de Paris et son voisin de terrasse Coca-Cola. Bref, la mondialisation est en marche, et en marche, c’est français. Sur la façade d’à côté, des vieilles pierres fribourgeoises d’origine contrôlée : un m qui veut dire McDo. À l’étage : un salon de coiffure qui s’appelle à l'étage ; originalité folle, ni tif ni hair dans le nom, grande rareté. La coiffeuse fait aussi nourrice. Elle allaite à l'étage. Et elle parle portugais : allez, Tage. Il faut se diversifier, voyez-vous, si l’on veut tenir le coup dans ce monde de féroce concurrence. Les dernières mangeuses de plats asiatiques, on ne peut plus dzodzettes, se plaignent des méthodes d’apprentissage de l’espagnol. Et moi, demain, je fous le camp en Allemagne. Bref, la terre tourne et les humains tournent sur la terre plus vite encore que l’attraction foraine de la terre qui tourne. Le serveur est au téléphone avec Tokyo. Non, dit-il, le Danemark, ce n’est pas en Afrique. C’est où, alors ? J’empoigne mon verre Carlsberg : le Danemark, c’est dans mon gosier. Les mangeuses fribourgeoises s’en vont danser sur le pont d’Avignon et je songe à partir quelques jours en Italie pour me dépayser un peu.
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