Blog suisse de littérature

StarbuckCoffee, ex-Buffet de la Gare, dimanche 9 avril, 9h50

Au buffet de la gare, il n’y a plus de classe(s).

Jadis, au deuxième classe, on buvait des choppes à six heures du matin, après le boulot de nuit, et on enfumait de goudron l’espace confiné qui macérait dans l’alcool. Au première classe, on s’empiffrait de cochonnaille. Lutte des classe en miniature, les clients des deux classes se tiraient la gueule s’ils se croisaient dans le hall.

Au buffet de la gare, aujourd’hui, disais-je, il n’y a plus de classe. Le client, première, deuxième, troisième classe, business, V.I.P. ou classe économique, doit faire la queue pour entendre un serveur-automate lui dire « sur place ou à l’emporter ? » comme partout où l’on n’a qu’une envie quand vous entrez, c’est que vous ressortiez, débarrassé du trop plein de fric qui vous encombre.

« Sur place. » Il tire la gueule. Il faut passer à la caisse suivante pour toucher son café, hors de prix, parce que forcément spécial, parce que la simplicité, voyez-vous, ça n’est pas classe.

Jadis, même au deuxième classe, on venait vous servir à table. Jadis, on ne prenait pas le client pour une tirelire qu’on secoue.

Certes, l’intérieur est cosi, mot à la mode pour faire croire aux gens qu'ils sont dans un salon d'exposition chez Ikéa. On a installé ça et là des fauteuils trop bas et des tabourets vaguement rembourrés qu'il serait indécent de trop user.

L’essentiel est ailleurs chez Starbuck, il est dans ce qu’on cherche à vous vendre, il est dans ces mugs et ces sachets de café à l’emporter, bien sûr, parce que vous allez bientôt partir, n’est-ce pas, d’autres clients arrivent, vous comprenez, ils sont pressés, ils tirent de lourdes valises, ils sont entre deux trains et ils veulent vite se tremper le mourre dans de la crème chantilly avant de repartir vers de nouvelles aventures, parce qu’il ne faut pas l’oublier, StarbuckCoffee, c’est d’abord une merveilleuse aventure.

Allez, oust ! Le client qui se sent de trop quitte ce lieu dont on a volé l'âme en rêvant aux saucisses à rôtir et aux jarrets du temps où l'on savait encore accueillir les gens. 

Il n’y a plus de buffet de la gare à Fribourg, hélas, et ce n’est pas classe. 


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.