Blog suisse de littérature

Tea-Room du Schönberg, Chez Anita, Fribourg, mardi 9 mai 2017, 16h15

Sur l’écran, un fragile à tatouages se lamente dans des rues ravagées par le chômage et le FN.

Le Schönberg, disent-ils, c’est la zone. Pourtant, ici, il n’y a que des vieux bourbines qui crient Marie-Louise !, une cagnotte rose où les habitués glissent des billets de dix, des tranches de gâteau que plus personne ne mangera à cette heure tardive et Anita qui vient lentement encaisser quelques centimes en souriant à deux dames peu pressées.

Sur l’écran, voilà qu'ils se donnent la main sur une place publique au soleil couchant. Au loin galopent de beaux chevaux blancs qui se croient punaisés sur un poster rosacé dans la jolie chambre lilas d’une pucelle romantique.

Le bal des voitures avance et recule devant la Migros. En sortent des gens de toutes sortes, des barbus et des lunettus à béret, des fumeuses tristes et des étudiants trop polis pour habiter le quartier. Tous ne font que se croiser. On est ici pour acheter, pas pour vivre.

Il n’y a que chez Anita qu’on cause un peu. Deux vieilles dames se racontent des banalités, mais on ne se raconte jamais rien d'autre que des banalités. Sans les banalités, on se tairait et je n’écrirais pas, moi aussi, des banalités. La peste, c’est l’originalité à tout prix, l’effet de manche, la fuite aveugle hors des clichés.

Mais on est à la Migros. On n’est pas prêt à dépenser n’importe quoi n’importe comment. On se souvient – les vieux en tout cas, ceux qui sont déjà en commissions si tôt dans l’après-midi – de Gottlieb Duttweiler, des bus qui ravitaillaient les petits villages de montagne et du commerce vraiment équitable.

Sur l’écran, des taches noires dessinent des insectes fous. Une voix le répète : Crazy ! Le monde est fou. Un moustachu ahuri regarde tristement son ballon de rouge. Un autre répare des journaux déchiquetés qui ne diffusent que des mauvaises nouvelles.

Encore quelques banalités : mes vieilles dames qui se lèvent et des voitures qui s’emplissent de vivres. S’emplir de vivre, beau projet : sur l’écran, ils racontent que le monde, c’est une seule nation. Sans doute sont-ce des chanteurs du Schönberg aux cent couleurs. 


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.