Quand les vieux boivent le café du matin, de quoi parlent-ils ? D’infarctus, de souffle qui manque, de chambre d’hôpital. Ils se disent que ça pourrait être eux, qu’on a de la chance de pouvoir encore lire le journal en allemand, même si c’est le Blick et que surtout on regarde les photos. Sur la terrasse où les pages lentement se tournent sur des commentaires baragouinés, rien n'a lieu. Quelques inspecteurs des travaux finis se promènent sur le chantier voisin. On entend passer des voitures. De temps en temps, un client du dedans s’en va. Bonne vacances. J’ai les vacances le 13 août. Moi aussi. Les vieux sont en vacances toute l’année. Des fois, ils aimeraient mieux travailler, parce que dans le Blick, il n’y a que des mauvaises nouvelles et qu’une fois qu’on a lu le journal, la journée est encore longue. On aimerait bien aussi inspecter le chantier, dire que ça va pas, engueuler le contremaître. Mais on tourne les pages, on fait semblant de s’intéresser à la marche du monde. Mais le monde ne marche pas, de toute façon. Alors, on passe à la page suivante, les peoples, mais chez eux non plus, rien ne va plus. Un nouveau vieux arrive en décapotable orange. Il marche avec peine, fume sa clope, commande un ballon de pinot noir. Il sait que tout ça, c’est la porte ouverte à l’infarctus, au souffle qui manque et à la chambre d’hôpital. Il se mouche et il attend. Il ne lit pas le journal. A quoi bon ? Les autres feuillettent. Ils passent leur vie à feuilleter. Le vieux ne veut pas de cette vie-là. Il veut rouler sa bosse à travers les routes de Romandie, fumer ses poumons, s’enivrer de noirceur jusqu’à tomber. Il est en vacances d’été. Bientôt, après l’hôpital, ce seront les vacances d’hiver, les grandes vacances.
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