Les vieilles dames se tiennent à l’intérieur. Il y a quand même un petit courant, voyez-vous, à notre âge. Sur la terrasse, je suis seul avec Gustave Courbet (1819-1877), membre d’honneur du Cercle littéraire et de commerce. Il me tient une conversation fort peu disserte. Sur un ton neutre, la radio annonce de mauvaises nouvelles. Un camion-balais nettoie le trottoir d’en face. Alors, monsieur Gustave, quel bon vent vous amène ? Un petit courant, répond une vieille dame, sans oser sortir. Le barbu ne pipe pas mot. A-t-il peint ces arbres – je suis un handicapé de leur appellation, cela peut tout aussi bien être des chênes que des hêtres – ces parasols fermés et ces chaises inconfortables ? Il reste coi. Ou alors il a une voix qui ressemble étrangement à celle de Patrick Bruel. Tous les mots qui me viennent sont dérisoires, chante-t-il. On n’est pas peintre pour rien. Soudain, une vieille du dedans déboule sur la terrasse et se plante devant Gustave : l’origine du monde, c’est moi, lui rappelle-t-elle. Je m’enfuis en courant.