La terrasse est une prison qui enferme à l’extérieur les glandus des Grand-Places, scouts en vadrouille, familles en pic-nic, réfugiés mal intégrés, toxicos en tout genre qui viendraient à coup sûr pisser sur les bonzaïs et vomir dans les cendriers si on ne mettait pas le holà. La fontaine à Tinguely ne peut pas asperger les clients fort rares d’un établissement qui sans doute s’enorgueillit de n’accepter que du beau linge, cadres dynamiques en mal de pizzas ou patriciens qu’on ne mélange surtout pas à la plèbe des gens qui marchent sur l’herbe, aux morveux mal élevés et aux tatoués crasseux. Seuls les moineaux sont tolérés. Ils passent à travers les barreaux et ne parlent pas ce langage vulgaire du bas peuple. Une dame rose à sac Dior s’assied délicatement. Elle se plonge, pensive, dans son Iphone : il ne faut pas regarder le monde extérieur, rester entre soi, rester seule, connectée mais seule. Une amie la rejoint. Elle s’est tiré les cheveux en arrière pour qu’on n’en remarque pas les blancheurs disparates. Une serveuse revêche vient encaisser. Il ne faudrait pas que les clients cambent la barrière et fuient par le parc, ils sont capables de tout, ces salauds. Au fond, la terrasse idéale, ce serait une terrasse sans clients, juste des tables bien propres et des chaises bien alignées qu’on bichonnerait du matin au soir. De temps en temps, on ferait venir des comédiens qui feraient semblant de manger, si possible des peoples, comme ça on aurait l’impression d’être chic.
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