Blog suisse de littérature

Terrasse du Restaurant des Arbognes, 21 juin 2017, 16h25

  • Vincent Francey

Le monde, comme chacun le sait, tourne autour des Arbognes, seul trou d’air pur en ce solstice surchauffé. Une serveuse en jupe rase y résout le problème pourtant insoluble des culs qui passent (cf la terrasse du Bindella). En effet, quand un seul cul passe et repasse une bière à la main, on a le temps d’en apprécier les subtilités en toute quiétude, à condition bien sûr que d’autres clients hormis Marc-Henri et moi-même aient l’idée saugrenue de chercher un peu de fraîcheur au centre de l’univers, car les Arbognes sont bel et bien le centre de l’univers, mais comme tout le monde le sait, le restaurant des Arbognes est à lui, donc l’univers aussi est à lui, comme le cul de la serveuse qui passe. Lui ? Mieux vaut ne pas en parler. Pour construire la cave à bière, jadis, il avait offert le bois. Nous avions dû couper l’arbre dans sa forêt. Mais au moins, nous avions une cave à bière pour y fêter dignement bénichon et recrotzon. Dignement ? Façon de parler. Décidément, ce petit cul est affolant. A la grande époque non plus, nous n’avions ni dignité ni vergogne. Mais ce qui se passe dans la cave à bière des Arbognes reste dans la cave à bière des Arbognes, qui sent de plus en plus le renfermé. Visiblement, ils nous ont piqué nos chaînes de lampes, celles qui traversaient la route jusque chez Magnin des piscines (pas Marc-Henri, qui s’en va, l’autre Magnin) à l’époque bénie où nous confectionnions avec amour des roses en papier crépon qui fanaient dès la première (ou le premier) rosé(e) à cause des cacahouètes, bien sûr, que nos estomacs avaient bien de la peine à supporter. De toute façon, les chaînes de lampes aussi sont à lui. Mais il s’agit de ne pas perdre de vue l’essentiel : le petit cul vide les cendriers. Il faut ouvrir grand les yeux et se boucher le nez. Revenons à regret, après ce charmant intermède qui m’a fort déconcentré, au passé mythique des Arbognes. Voilà la police. Un chien aboie. Impossible de me concentrer sur la bénichon 1999, qui fut – putain le cul qu’elle a ! – mémorable – les policiers lui commandent des glaces – mais dont aucun souvenir précis ne surnage dans la moiteur de la canicule. Cule… Si même l’écho s’y met… Allons, concentre-toi : sur le pont de danse – le revoilà, ce petit cul qui se déhanche, comment voulez-vous écrire dans de telles conditions ? - Lothar s’accrochait comme il pouvait à Célimène. Dans le bar, Pompon buvait des gin tonic en se tâtant le goitre et les chauffeurs engloutissaient du sirop menthe sans eau avant de partir pour le bal des Pèdzes, mais il vaut mieux ne pas raconter la suite car la police interviendrait et la glace fondrait. Et puis, tout ce qui se passe au bal des Pèdzes reste à Bussy et nous sommes aux Arbognes. D’ailleurs, le petit cul amène aux deux policiers leurs coupes Danemark. Mademoiselle, un cul glacé, s’il vous plaît, me surprends-je à hurler. Je m’en vais sous bonne escorte, menotté par les deux malabars qui n’ont pas eu le temps de finir leurs deux boules et leur bricelet. Ce petit cul avait-il la peau lisse ? J’y aurais bien volontiers posé ma menotte. Jadis, elle s’appelait… Deux ou trois prénoms reviennent me hanter. Ils commençaient par la lettre A.

Voici un délire écrit sur la terrasse du restaurant des Arbognes, un jour où il faisait trop chaud et où beaucoup de souvenirs de jeunesse sont remontés à la surface, avec en cadeau une chanson qui ne remonte pas le niveau général de mes obsessions.


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.