Grimper des montagnes. Les jambes durcissent. Elles veulent imiter les pierres. Au sommet, le vin doux et le nom des vanils me reposent. On oublie tout et on se dit, comme ça, sans réfléchir, au plus près de la réalité, que c’est beau, juste ça, c’est beau, et on regarde. Il faudrait, pour écrire ce que fait naître au corps usé et à l’esprit vide la contemplation et l’épreuve de la montagne, des mots rocailleux, des phrases sèches et rudes, un rythme lent, irrégulier, léger jusque dans sa lourdeur. Il faudrait retrouver le Ramuz de Derborence : « Les parois tombent à pic de tous les côtés, plus ou moins hautes, plus ou moins lisses, tandis que le sentier se glisse contre celle qui est au-dessous de vous comme à votre gauche et à votre droite, c’est, debout ou couchée à plat, suspendue dans l’air ou tombée, c’est, s’avançant en éperons ou retirée en arrière, ou encore faisant des plis qui sont d’étroites gorges – c'est partout la roche, rien que la roche, partout sa même désolation. » Les mots de Ramuz restent accrochés aux cailloux. Ils s’acharnent sur la sécheresse. Ils peinent comme on peine en montagne. Ici, il leur manque le ciel. Si on monte là-haut, c’est pour toucher le ciel, pour s’y cogner, pour s’envoler, mais sans quitter la terre. La montagne est à la fois divine et humaine, trop humaine, ajouterait, après l’assassinat de Dieu du haut des Alpes, Nietzsche, qui toujours cherche l’envol et qui hélas trouve l’humain, le trop humain, le vain, le vrai, le vin. Ramuz encore, pour le rythme : « Le soleil qui est sur elle partiellement la colore encore de façons diverses, parce que l’une des chaînes qui est au midi projette son ombre sur celle qui est au nord ; et on voit le haut des parois qui est jaune comme le raisin mûr, ou qui est rose comme la rose. » (toujours Derborence, son chef-d’œuvre).
Soyez le premier à commenter