Blog suisse de littérature

Expansions : amplifier les notes

À partir des notes du carnet, amplifier la phrase ; à partir d'un détail, d'une idée, d'une image, d'un rien, construire une pensée, un récit, un monde nouveau.

Vincent Francey

Chuter de l'hôpital au lac, se noyer dans l’hôpital, se noyer dans sa propre tête, changer d’hôpital, changer de tête, on dévisse, on remplace, mais un hôpital, où qu’il soit, reste un hôpital, et on reste à l’hôpital quand on change d’hôpital, et de cet hôpital on ne voit pas le lac mais on risque de chuter quand même, chuter d’hôpital en hôpital, chuter de tête en tête, et se relever, parce que la tête est têtue, irremplaçable, indéboulonnable. Et le cœur tient.

Vincent Francey

Un chien, de l'autre côté de la voie, n'aboie pas, et pourtant il ouvre et il referme la gueule, il fait comme s’il aboyait mais il n’aboie pas, aucun son ne sort de ce chien, c’est un chien qui a oublié comment on fait pour aboyer, un chien de l’autre côté d’une voie de chemin de fer où les trains ne passent plus, un chien errant, et nous, de ce côté de la voie, nous faisons signe au chien, nous l’appelons, mais il ne nous répond pas, il n’aboie pas, il est là-bas, de l’autre côté de la voie,…

Vincent Francey

Ma main, le monde de ma main, le monde dans ma main, l’ouvrir, ma main, pour saisir, pour pétrir, pour malaxer le monde, ma main façonne une grande boule et cette boule, c’est le monde, un monde à portée de main, mais le monde, que sait-il de ma main, le monde que dit-il de ma main ? Le monde dans ma main, la boule du monde palpée par mes doigts, le monde balafré par la griffure des ongles, le monde enfle, le monde m’écrase la main, le monde gonfle, le monde m’échappe, échappe à ma main, le…

Vincent Francey

À quoi, à qui suis-je en train de désobéir ? Apprendre à désobéir, difficile mais nécessaire : désobéir aux injonctions du monde, désobéir aux ordres trop ordonnés, désobéir aux machines parlantes, désobéir au malheur qui guerre, désobéir aux mots faux qui rassurent, désobéir au désespoir, désobéir à quoi pour obéir à qui ? Obéir à soi pour désobéir à ce qu’il faut parce que c’est comme ça, obéir à ce qui pousse en soi à désobéir, obéir à mes parents, je veux dire : obéir à leur amour. À quoi…

Vincent Francey

Les deux filles, leur nom, ne plus s'en souvenir. Le mot neurologue, le cerveau a entendu ça, je crois. Il croit, le cerveau, avoir entendu ça, mais il n'entend pas, le cerveau. Il a vu, je crois, le cerveau, les deux filles sans nom, mais il ne voit pas, le cerveau, il croit les avoir vues, les deux filles, le cerveau, et il croit l'avoir entendu, le mot neurologue, et aussi le mot neurochirurgien, et ça lui fait peur, au cerveau, ces mots, neurologue, neurochirurgien. Les deux filles, ce n'est…

Vincent Francey

Ce silence, presque. Écrire le silence. Écrire le presque. Presque écrire. Ce silence, presque. Presque se résoudre au silence. Ne jamais s’y résoudre. Ne pas écrire, presque. Ne pas pouvoir écrire, presque. Pourtant : écrire. Pourtant : le cri. Le cri ne supporte pas le presque. Le cri brise le silence. Le cri, l’écrit, le presque. Ce silence, presque. (étrange sensation : ceci, je l’ai déjà écrit, presque)

Vincent Francey

La tête : trop. Trop dans la tête, rien dans le corps. La tête trop qui pense pense trop la tête pense et pense et repense la tête. Trop. Peut-on trop penser ? Il faudrait, c'est écrit dans des livres, cesser de trop penser dans nos têtes qui pensent et qui pensent et qui repensent, il faut que ça s'arrête, ne plus penser, taire la voix dans la tête, la voix qui parle toute seule, lui clouer le bec, à la voix qui pense qui parle qui ressasse qui ne s'arrête jamais. Mais la taire, la voix qui…

Vincent Francey

Cette fille, son vélo, cette fille, ce mot, fille, comme si me voilà enfin adolescent. Renouveau. Cette fille – ce jour-là, une inconnue ; dans ma tête, parfois, une connue – ce mot, fille, délesté du poids de ce mot, femme, de cette peur – peur des femmes ? – peur de mal dire, peur de dire ce qui ne doit plus se dire, moi si loin de ces mâles qui disent mal – ce rapprochement, mâle et mal – et ce mot, rapprochement, impossible, cette fille fuit, elle est montée sur son vélo et elle fuit, celle…

A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.