Entrée en Italie. La radio s’appelle Santa Maria, on y entend, sans rien y comprendre, de veilles voix ecclésiastiques qui palabrent autour de la bestia quelque part entre l’enfer de Dante et les sombres forêts du Piémont. Au milieu de nulle part, perchée sur des montagnes perdues, se dresse une immense basilique qui répond au joli sobriquet de Vierge du Sang. Rien que le nom fout les jetons. J’entre. Six vieilles à genoux, une bonne sœur et deux touristes abasourdis récitent le chapelet dans le noir, comme dans cette crypte viennoise jadis, mais dans la langue de Dieu, c’est-à-dire en italien. Il y a une deuxième église, plus moderne, aux vitraux colorés pour filtrer et adoucir la lumière divine. Elle semble vide. Soudain, une voix monacale psalmodie en tremblant des sons sacrés. Les vieilles de tout à l’heure, lugubres, lui répondent. Au coin, à la jointure des deux églises, un prélat à capet rouge, vieux comme un pape, balbutie une messe. Sur les murs de la basilique, on a affiché mille bavettes de bébés sauvés miraculeusement par la Vierge du Sang. J’observe, incrédule, puis je sors. Il est grand temps de quitter l’Italie, de retrouver les rocs de la Suisse travailleuse, de me cogner contre Gondo sur qui la montagne est tombée sans le moindre Dieu pour sauver les corps écrasés, juste avec les mains des hommes pour reconstruire, plus beau qu’avant, comme dit la chanson, un village planté là où rien d’humain n’aurait dû vivre.
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