S’affirmer mécréant, c’est s’affirmer libre. Daniel Bensaïd refuse les injonctions monde, il conspue le capitalisme mondialisé sans refluer vers la nation salvatrice et bornée ni vers les vieilles identités religieuses qui ne renaissent que parce qu’elles savent automatiquement comment remplir le vide qui désormais remplit notre monde sans repères. Ces fragments évoquent les grands problèmes politiques et sociaux dans leur complexité mais sans concession. Il montre surtout qu’une pensée de gauche reste possible, que la lutte des classes, que l’on croyait enterrée avec le vieux communisme soviétique effondré, reste la plus judicieuse grille de compréhension des inégalités, mais que l’on fait comme si le problème était ailleurs, dans le patriotisme refoulé ou dans la religion oubliée. Ces fragments tentent de comprendre ce qu’il reste aujourd’hui de la colonisation dans les esprits et comment on peut achever le travail de décolonisation, ils réfléchissent à propos de l’assimilation de toute critique de l’Etat d’Israël à de l’antisémitisme, ils analysent les échecs du cosmopolitisme froid d’une Europe qui se construit sans son peuple. Bref, on trouve ici un concentré d’idées à la fois sans grande surprise pour un gauchiste affirmé et stimulantes pour tenter d’inventer une société enfin libérée du poids insupportable de l’histoire et de l’économie.