Les treize étoiles ont été emportées par les flots. On les a retrouvées au fin fond du lac du Bouveret. Elles ont perdu toute envie de vivre. Sans doute les a-t-on forcées à boire du vin vaudois. De Brig à Saint-Maurice, tout le Valais déborde. Le Rhône se prend dans le Bas pour le torrent qu’il est dans le Haut, il cause en bourbine jusqu’à Marseille, il danse des mazurkas en patois, il s’éparpille jusqu’à Barcelone puis jusqu’à Bruxelles, où il se plaint à la Commission des normes trop strictes qui lui dictent son cours, toujours à la baisse, pire que l’euro, ajoute-t-il narquois devant ces Allemands qui ne jurent que par le Rhin. « Il ne faut jamais jurer de Rhin », leur crache-t-il dans les tympans pour les déboucher, mais il n’y a plus de débouchés pour l’Union Européenne, c’est fini, l’Europe, le Rhône aurait mieux fait de rester en Suisse et de transmettre ses doléances directement à Oskar Freysinger et à Esther Weber-Kalbermatten. Les technocrates de Bruxelles et les juges étrangers ont ri au nez du Rhône, mais le nez du Rhône les a tant éclaboussés qu’ils ont perdu leurs lunettes boursières et se sont enfin décidés à voter Podemos. Le Rhône a hésité avant de rentrer au bercail. Et si on allait faire un petit coucou au cousin Brahmapoutre et donner un petit bisou dans le cou froid du fleuve Amour ? Il a beaucoup réfléchi, le Rhône, il est parti par ici, il est revenu par là, il a couru à tort et à travers, en avant, en arrière, en-ça, en-là, et finalement il a repêché les treize étoiles qui déjà émigraient à Genève et est rentré chez lui, non sans avoir fait, histoire de fêter son retour comme il se doit, dix vagues à Sion.
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