Blog suisse de littérature

Edgar Morin, La rumeur d’Orléans

  • Vincent Francey

Etudier la rumeur n’est pas simple, parce que la rumeur se tapit dans l’ombre, qu’elle se cache et ne se révèle au grand jour qu’une fois qu’elle a accompli son méfait. En 1969, à Orléans, on raconte d’étranges histoires mêlant traite des blanches et commerçants juifs, et voilà que soudain le vieil antisémitisme que l’on croyait éteint avec la guerre, renaît. Comment et pourquoi ? Une équipe de sociologues se rend sur place pour essayer de comprendre. Ils arrivent un peu comme la pluie après les moissons, trop tard pour ne pas être confrontés au refoulement qui opère dès que l’émotion collective retombe. Ils parviennent néanmoins à établir quelques faits : la rumeur est née des milieux féminins adolescents et est longtemps restée cantonnée aux femmes, mais c’est quand les hommes s’en emparent qu’elle atteint son apogée qu’elle prend un tour politique – l’antisémitisme ne s’exprimant que sur le tard – et qu’elle nécessite un démenti des autorités, que d’aucuns accusent de complicité. La rumeur petit à petit s’essouffle. Beaucoup disent ne jamais y avoir vraiment cru, puis ajoutent qu’il n’y a pas de fumée sans feu. La bête s’est rendormie. On croit l’avoir tuée. Elle n’est qu’en arrêt maladie. Elle renaîtra presque à l’identique ailleurs, à Amiens, dans d’autres villes de province à cheval entre modernité et archaïsme et aujourd’hui elle est prête à bondir à chaque coin de la toile, sous des formes multiples et sans qu’on puisse clairement en trouver les auteurs, car la rumeur se nourrit des fantasmes et des peurs pour créer des mythes que les anti-mythes, qui sont eux-mêmes des mythes, ne parviennent qu’à transformer mais jamais à anéantir. La rumeur d’Orléans est universelle. D’ailleurs, on signale que dans certaines boutiques branchées, il se trame des crimes bien plus ignobles que ce que l’on veut bien nous dire. Je le tiens de source sûre, un témoin direct l’a affirmé à la belle-sœur du cousin par alliance de la collègue de bureau de ma tante.

Lecture et commentaire de La rumeur d'Orléans d'Edgar Morin. 


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.