Blog suisse de littérature

Jouer (v.)

  • Vincent Francey

Ça joue ? Ou bien. Ça joue ? De la clarinette, du bandonéon, du biniou. Ça joue ? Ça va le chalet ? T’as où les vaches ? Ça va le Valais ? T’as où les vignes ? Ça joue ? Ça joue au chibre, ça joue à l’élastique, ça joue à cache-cache. Ça joue ? Des coudes. Ça joue ou bien ? Ça joue bien. Ça joue, toi, t’es suisse, toi t’es petit suisse, ça joue ou bien ? Sur ta joue, trois bises, trois petites bises, trois petits becs pour les petits Suisses, et pourquoi petits, les Suisses ? Trois bises, trois becs sur la joue pour les grands Suisses, ça joue ou bien ? Le Français, son rire en coin, ça joue, il a entendu qu’on disait ça, en Suisse, ça joue, et il a ri, le grand Français, il s’est moqué du petit Suisse, le grand Français. Ça joue ou bien ? Le Suisse lui a demandé ça au Français, au grand Français, au petit Français, ça joue ou bien, qu’il lui a demandé. Le Français, le grand, le petit, le moyen Français, lui a ri au nez, au petit Suisse : oui, ça joue, c’est bien comme ça qu’on dit ? Ça joue de la trompette, ça joue à tue-tête, il a crié, très vite. Les Français, ça parle très vite, les Français, ça parle trop vite, les Français, ça joue pas, ça, ou bien quoi ? Ça joue ? Il redemande, le Français, et il se marre, ça joue ou quoi, ça joue ou bien, il parle bizarre, le petit Suisse, il s’est dit, le Français. Et le Suisse a répondu : ça joue. Et le Suisse a pensé : tu perds rien pour attendre. Et le Suisse a pensé : un jour viendra. Le Français n’a pas compris, il a regardé le Suisse de haut et il a dit : ça joue ? Et il a éclaté de rire, le Français, le sale Frouzien, a failli dire le petit Suisse, mais il s’est tu, le petit Suisse, et il a pensé : ça joue au foot. Et le Français s’est posé la question : ça joue au foot, les petits Suisses ? Et le Suisse a dit : tu perds rien pour attendre. Pour attendre quoi ? Le Français n’a rien compris. Les Français, ça joue au foot, pas les Suisses, il s’est dit, le Français, ou bien quoi ? Il a dit, le Français, le seul moyen pour que les Suisses gagnent au foot, c’est que les Français restent coincés dans l’ascenseur, il a dit ça, le Français, et le Suisse, les dents serrées, a dit : tu perds rien pour attendre. Et le Suisse a joué, et le Suisse a gagné, et pan dans les dents, il s’est dit, le petit Suisse, et il a posé sa main sur l’épaule du pauvre grand Français, et il a dit, le petit Suisse enfin vainqueur, il a dit avec un rire un coin, le grand Suisse, il a dit pour se venger au pauvre Français dépité : ça joue ?

Est-ce que ça joue ? Un texte inspiré de<link http: www.tierslivre.net spip de françois> l'atelier d'écriture de François Bon.


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.