Ma main, le monde de ma main, le monde dans ma main, l’ouvrir, ma main, pour saisir, pour pétrir, pour malaxer le monde, ma main façonne une grande boule et cette boule, c’est le monde, un monde à portée de main, mais le monde, que sait-il de ma main, le monde que dit-il de ma main ? Le monde dans ma main, la boule du monde palpée par mes doigts, le monde balafré par la griffure des ongles, le monde enfle, le monde m’écrase la main, le monde gonfle, le monde m’échappe, échappe à ma main, le monde échappe à toutes les mains de tous les hommes du monde, le monde tourne, il ne sait faire que ça, il tourne, et nos mains tournent avec le monde, elles gigotent, nos mains, elles courent après le monde, nos mains, mais le monde court plus vite qu’elles, il court à sa perte, le monde, parce que nos mains l’ont trop tripoté, l’ont trop creusé, l’ont trop cogné, et nos mains, on leur invente des prothèses, des machins, des machines, nos mains, on les augmente, et elles deviennent puissantes, nos mains, parce que ce ne sont plus nos mains, et le monde est à nouveau à leur portée mais nous n’avons plus de mains et le monde que nous avons modelé à la forme de nos mains, le monde que nos mains augmentées, nos mains transhumanisées, nos mains machinées, le monde hors de portée de ma main, le monde hors de ma portée, et ma main vaine, pendante, ma main coupé, ma main loin du monde, ne peut plus rien pour le monde, qui tourne, dans le vide, roulement à bille d’une mécanique déglinguée, le monde meurt du trop de bleus que nos mains estropiées, que nos mains remplacées, lui ont infligés.
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