Blog suisse de littérature

Marianne Chaillan, Game of Thrones, une métaphysique des meurtres

  • Vincent Francey

Face au succès phénoménal du Trône de fer, deux attitudes sont possibles : premièrement, se laisser happer par la série, la regarder avec fascination et la vivre par procuration en tombant amoureux de Daenerys Targaryen ou de Tyrion Lannister, chacun selon ses goûts ou ses perversités ; deuxièmement, mépriser par principe une série américaine (donc soumise au pouvoir tyrannique – genre Ramsay Bolton ou Joffrey Baratheon – des forces occultes de l’argent roi) qui fait l’apologie de la violence et de l’inceste. Ce livre propose une troisième voie, celle de la philosophie. Game of Thrones en effet suscite de nombreuses interrogations morales (faut-il condamner la relation de Jaime et Cercei Lannister sous prétexte qu’ils sont frère et sœur ?), métaphysiques (Stannis Baratheon devait-il sacrifier sa fille comme Abraham son fils Isaac en suivant les ordres de son dieu ?) et politique (quelle est la meilleure stratégie pour atteindre le pouvoir ? tout est-il permis pour y parvenir ? faut-il tenir ses promesses comme Brienne de Torth ou intriguer sans cesse comme Petyr Baelish ?). L’auteur convoque pour faire réfléchir le spectateur trop passif ou afin d’attirer l’intellectuel pour qui regarder des séries, c’est se rabaisser, de nombreux philosophes : Kant, Bentham, Spinoza, Hobbes, Machiavel et tutti quanti. Le lecteur commence alors à se poser des questions : suis-je un banneret du dualisme ou du matérialisme ? est-ce que je ressemble plus à Ned Stark, c’est-à-dire à Emmanuel Kant, ou à Tywin Lannister, c’est-à-dire à Jeremy Bentham ? quelle est la meilleure fin possible pour la série, au-delà du fait que, comme tout le monde, je suis amoureux de Daenerys Targaryen ? etc. Si Game of Thrones connaît un tel succès, c’est parce que la série dépasse le pur divertissement (au sens pascalien du terme, Pascal étant par ailleurs le maître à penser de lord Varys) et qu’elle nous permet, comme à la lecture de ce joli bouquin, de réfléchir à des questions fondamentales tout en y prenant du plaisir (si possible dans les bras de la mère des dragons).

Lecture d'un extrait et commentaire du livre de Marianne Chaillan, Game of Thrones, une métaphysique des meurtres.


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Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.