Quelle contrainte ? Pas de contrainte ? Est-il possible d’écrire sans contrainte à propos de Georges Perec ? Les choses ne sont pas si simples et la disparition des contraintes ne constitue pas forcément un mode d’emploi suffisant pour écrire à propos de Georges Perec, les trois bouts de titres notés ici à la va-vite ne constituant qu’une pâle tentative d’épuisement d’un auteur complexe, multiforme, profond et facétieux. Perec, c’est d’abord une tronche, celle du fou littéraire, le pendant bibliothécaire d’Albert Einstein, une autre espèce de génie, à la recherche de quoi ? Derrière les jeux de lettres, les mots croisés et la polygraphie du cavalier, derrière, avec et grâce à cette fuite de plus en plus étourdissante vers la construction savante d’objets alambiqués, il y a W, le souvenir d’enfance, le vide – la disparition – le creux au cœur du vingtième siècle, la mère absente. La littérature chez Perec – chez tous – c’est tourner autour du pot, tourner autour de la lettre qui manque, de l’être qui manque, du lieu détruit, du souvenir dont je ne me souviens pas. Perec cherche, inlassable, ce qu’il sait disparu à tout jamais, il choisit les labyrinthes dans lesquels il se perd lui-même pour retrouver quoi ? Il ne sait pas, le lecteur cherche avec lui, se pose des questions, tombe sur de nouvelles questions. Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? La tronche rigolote de Georges Perec se creuse de rides, il essaie de se souvenir, il accumule les choses et il entasse les je me souviens, il empile les appartements et les puzzles, il joue au scrabble avec sa vie, avec la nôtre, avec celle de sa mère qui ne revient pas. La tronche de Georges Perec, plus on la regarde moins on la trouve rigolote. Et plus on l’aime. On aurait parfois envie d’être sa maman.
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