La nuit de la bénichon, au centre de l'univers qui tourne et qui tourne sans fin autour de la cave à bière des Arbognes, les fêtards ont les yeux de chats qui brillent. Ils s'agrippent au lière et au houblon, ils se frottent le ventre balonné sur le ventre des femmes baisouillées et ils rêvent jusqu'au recrotzon de leurs draps qui s'en souviendraient. La nuit de la bénichon, tout ce qui a lieu aux Arbognes reste aux Arbognes, mais désormais, la nuit de la bénichon, aux Arbognes, rien n'a lieu. Les bistrotiers font tout ce qui est en leur pouvoir pour faire fuir les clients, ils bourrent le parking de cailloux parce des voitures dans un parking ça fait mauvaise façon, ils chassent les buveurs sous prétexte qu'ils boivent et les yeux des fêtards voient soudain leur yeux de chats s'éteindre comme s'éteint la dernière ampoule de la dernière chaîne de lampe au petit matin. Santé la jeunesse ! La voix de Madeleine n'est plus qu'un vague souvenir et les jeunes générations ont déjà oublié que les Arbognes furent pour quelques heureux soiffards le centre de l'univers. La nuit, tous les chats sont gris, mais dès le jour venu, aux Arbognes, c'est la gueule de bois. Demain matin, tu seras là ? La voix devient rauque, la gorge se serre, les yeux piquent. Mais le bras de Bertrand montre la voie qui fera renaître les mots d'autrefois : je t'ai rencontrée du côté des Arbognes et je t'ai trouvée vachement...
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