Blog suisse de littérature

Râteau (n.m.)

  • Vincent Francey

Un manche, une traverse, des dents, rachitique râteau, maigrichon râteau, anorexique râteau appuyé au repos contre un mur ou sournois râteau dents levées vers le pied le manche prêt à t’assommer, couché soudain debout, traître râteau il vaut mieux le prendre par le manche et tirer la terre derrière toi que devant, râteau grattant la terre, un coup de râteau les feuilles disparaissent, plantées dans ses dents crochues ou dans ses dents droites, dents dévoreuses, piquantes dents, dents de bois, dents de métal, dents rouillées, dents souillées, dents plantées, déchirantes dents, déchireuses dents, dents écartées, dents pendues au râtelier, le râteau est un porte-dents mais c’est le manche qui use la paume de tes mains, manche à râteau droit comme un manche à balai, plus dangereux qu’un manche à balai, le râteau est un balai armé et il y a des râteaux de toutes tailles, il y a surtout le souvenir dans ta tête de ce gros, de cet immense râteau que tu tirais pour les foins derrière la botteleuse, râteau plus haut que toi enfant, râteau à denture de dinosaure, lourdeur du monstre que ta main traine dans la chaleur et dans le pollen, râteau à poussière, une fumée monte du sol quand le râteau ratisse ou ratelle ou rature, râteau encore raté, tu t’es ramassé un râteau, rien vu venir, râteau debout, non c’est non, elle dit non, râteau, pas pelle, râteau, tu rappelles, râteau, toujours non, encore un râteau, le râteau est têtu, s’il se dresse sur ton chemin, le râteau te tue, le râteau te tire dessus, un râteau ça tire, ça ne pousse pas, le râteau toujours tire, il tire à soi, le râteau, il prend, il ne donne pas, il accumule, il accapare, il garde, il est conservateur, le râteau, il est radin, il est pingre, il est grippe-sou, il est râteau, le râteau, c’est une grande main squelettique qui griffe et qui gratte et qui garde pour elle, rien que pour elle, tout ce qu’elle attrape, car malheur à ce qui se trouve coincé entre les dents du râteau, le râteau ne rend rien, il garde tout sur lui, le râteau, il est couvert de tout, le râteau, mais il ne mange rien, il reste sans chair, sans rondeur, il reste sévère, le râteau, il ne s’épanouit pas, il garde seulement collé sur lui l’écume de la terre et il se révolte quand une secousse vigoureuse tente de l’épouiller de ses scories, le râteau qui prolonge le bras décharné de ton corps qui refuse que lui pousse des ailes.

Quelques mots sur un objet, à partir d'<link http: www.tierslivre.net spip proposition de françois>une proposition de François Bon, avec Benabar pour creuser un peu l'un des sens figurés du râteau.


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.