Blog suisse de littérature

Solitude (n.f.)

  • Vincent Francey

On écrit seul. J’écris seul. Paradoxe : je m’adresse à. À qui est-ce qu’on s’adresse quand on est seul ? Je m’adresse à mon double et je me sens moins seul. Mon double, mon lecteur, mon frère (j’en ai deux, de frères, mais un seul peut me lire). Comment, quand on écrit, sortir de la solitude ? On publie, on a des lecteurs réels, ce ne sont plus des doubles, ils existent, ils ont le livre en main, ils parcourent le billet de blog, ils me lisent et parfois ils me le disent et la solitude de celui qui écrit s’estompe. Suis-je pour autant moins seul quand à nouveau j’allume l’ordinateur ? Est-ce qu’on écrit pour rendre la solitude supportable ? Est-ce qu’on écrit avec ou contre la solitude ? Combien de fois, en écrivant, on a loupé une rencontre ? Combien de fois on l’a rendue possible, cette même rencontre ?

Autre possibilité : écrire au milieu des gens. Je me suis souvent installé à une table de bistrot pour écrire. J’observais les gens. Ils devenaient mes personnages. Ils étaient ma compagnie. La serveuse – le serveur aussi, mais j’y étais moins sensible – me disait deux mots, bonjour, merci, il suffisait de ce rien pour briser ma solitude. Puis je me mettais à écrire et j’étais à nouveau seul. Elle ne savait pas, la serveuse, que j’écrivais sur elle, que même parfois je lui écrivais à elle. Elle s’occupait d’un autre client et j’écrivais à propos de cet autre client qui ne devinait pas non plus qu’il était là, dans mon texte, et c’était retour à la case départ, j’étais seul. <link https: www.lie-tes-ratures.com ailleurs article le-tunnel-jeudi-20-avril-2017-9h40-350191>Une fois, il y avait un type qui écrivait aussi. Il avait une machine à écrire, un de ces mieux modèles mécaniques qui plus personne, sauf ce type, n’utilise. Nous étions deux dans le même bistrot à écrire. La solitude encore une fois s’estompait. Puis une femme est venue vers lui, ils ont causé, et j’ai continué à écrire, jaloux.

Quelques réflexions sur la solitude et l'écriture, pour le <link https: www.tierslivre.net revue du comment>dictionnaire du comment écrire proposé par François Bon, avec une chanson de Léo Ferré en prime.


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.