14 février 2015

J’ai dans la tête une musique moins romantique et plus juste, l’ambiance brûmeuse d’une symphonie récente, des notes qui se répètent et qui se frottent. Faut-il fuir la musique contemporaine comme le diable ? Sans doute faut-il s’y laisser aller longtemps pour y sentir un frémissement.

La joie d’aujourd’hui n’a plus la légèreté de Bach et de Mozart. On ne peut plus danser le menuet sur le parquet ciré des grandes salles de jadis. Le toit s’est effondré. La bombe a explosé. Les musiciens ont le cerveau déglingué. Leurs sons se sont dissouts. Ils leur échappent, ils s’envolent et ils retombent, ils rebondissent et ils s’enfoncent dans l’eau froide. Le chant torture ou endort.

On a perdu la mélodie simple. Elle est morte. Ne la réveillons pas. Elle nous ferait oublier le monde qui est le nôtre, ce monde bricolé à la va-vite par des savants fous qui savent que tout sous peu va leur péter dans les mains. Il faut à aujourd’hui une musique balayeuse, des rythmes casse-gueules, des accords immaculés, nouveaux, bizarroïdes et silencieux.

Il lui faut aussi des mots carré-bossus, coloriés dans des livres indéchiffrables, des mots qui ne s’écrivent pas, qui ne se disent pas, des mots qui s’inventent et se dissolvent au fur et à mesure qu’on se rend compte qu’ils ne signent rien d’autre que le plaisir de se laisser goûter sous la langue fatiguée.