27 décembre 2014

92 ans. Voilà ce qu’il a tenu pour l’instant. C’est beaucoup. Mais tout pourrait s’arrêter aujourd’hui. Pourrait…

Je ne sais pas à quelle heure a lieu l’opération. Je sais juste que c’est aujourd’hui. Alors, j’attends. Je ne sais pas à quoi penser, sinon à conserver le téléphone tout près et à regarder l’heure. Il est encore très tôt, même pas midi. Je n’ai rien à faire. Je fais semblant de m’occuper. Même écrire ici est inutile. Il n’y a rien à dire. Il n’y a qu’à attendre en se disant que ça passera, qu’on ira le voir bientôt, que ce n’est peut-être qu’une alerte. Horreur de ce mot peut-être, de ce téléphone dont on espère et on craint la sonnerie. S’il ne sonne pas, au fond, c’est mieux. Ça veut dire qu’il n’y a rien à annoncer. Toujours rien… Le temps est si long. Et si court.

92 ans, un bel âge, rien, un claquement de doigt du temps. On meurt toujours trop tôt. Mais il ne faut pas penser à cela. La mort sera sans doute repoussée une fois de plus. Etrange que ce sans doute qui insinue le doute, qui ne dit pas ce qu’il pense au plus profond de lui-même, parce que dire sans doute, c’est précisément donner la preuve qu'on doute.

Je veux chanter encore. Je n’ai pas pu tout regarder. Je me suis dit qu’il fallait qu’il voit ce film. « Je veux chanter, je veux youtzer encore », dit la voix de Charles Jauquier, prolongeant le mythe de l’abbé Bovet, qui était le cousin de la maman de parrain, une Andrey, comme lui est un André.

André Fragnière, un nom d’armailli qui ne doit pas cesser de chanter, pas encore.