Blog suisse de littérature

5 décembre 2014

Décembre est le mois de l’artifice, le mois où le gris pèse trop pour qu’on ne fasse pas semblant de le (dé)gommer.

On se lève en pleine nuit. Pourquoi ? Ne serait-il pas plus sain, en notre époque ou la santé se faufile dans toutes les niches de la vie quotidienne, de se lever avec le jour, ou un peu en retard sur lui ? Ne serait-il pas plus naturel d’hiberner, de prendre congé des spasmes de la vie pendant quelques mois, d’emmagasiner de la bonne graisse qui réchauffe et qui ravive ?

Et pourtant, on court, on se rue sur les choses et les bidules qui clignotent dans les férocités de l’électricité reine, puis on se refait une virginité de pute en retraite en décrétant un day-off (en français, un « jour sans », c’est dire l’idiotie du truc) où l’on s’éclaire à la bougie pour mieux se polluer ensuite à grands coups de guirlandes agressives (ô que je préfère la décoration en papier-cul de mes élèves !) et à grosses biclées de papas Noël cambrioleurs, d’étoiles-araignées qui cachent le ciel, de traineux traineaux, de bonshommes de neige qui font coucou, de tout un bric-à-brac immonde qui pompe à foison l’électricité dont on nous dit qu’il faut l’économiser.

Absurdité écologique sur fond d’absurdité esthétique. Qui s’inquiète aujourd’hui de beauté ? Qui accorde encore à celle-ci un semblant d’attention ? On fait comme si les symboles figés que nous arnaquent les margoulins de la consommation frénétique étaient de l’art, un moyen de donner un peu de lumière à notre hiver gris, mais la diarrhée de lumière qui nous assaille ne fait rien d’autre que souligner au stabilo rose fluo notre désarroi face à la nuit, face au froid, face à la mort qui déshabille les arbres et qui bientôt nous sautera contre, sans qu’on ait eu le temps d’y penser, trop encombrés que nous étions par les rendez-vous à ne pas louper et par les achats obligatoires que l’on jettera demain dans des sacs dont on se scandalise de payer la taxe, noyés que nous sommes sous les heures de travail administratif qui prouvent qu’on passe assez de temps à se faire chier pour recevoir du fric qu’on dilapide en cadeaux qui ne rendent personne heureux, parce que malgré la grossière comédie de l’aveuglement sous les lampions, le soleil ni la mort ne se regardent fixement.

C’est en découvrant le petit rien qui luit dans la nuit qu’on se met à comprendre un peu la fragilité de nos vies, pas en s’extasiant pour rire sous des néons qui nous assomment. 


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.