9 février 2015

• 10.12.2017

Tombons divinement sur le vers qui dit tout : « Et je bénis ma mère, et le ciel, et la France ! » (« Cœur simple », issu du Coffret de santal de Charles Cros). Au moins, la vérité n’est pas trop abstruse. Elle aurait pu faire sa Mallarmé, sa René Char ou sa Bonnefoy (ce qui eût été fort astucieux, étant donné le nom du poète, visiblement usurpateur puisque la vérité est dans le Cros).

Remarquons la dimension ouvertement religieuse du propos, qui ne peut nous enduire d’erreur. C’est bien le vers ultime, le seul vers, le vers solitaire.

Où se trouve donc le sacré ? Dans ma maman, bien sûr. Qu’y a-t-il de plus important dans la vie d’un homme que sa mère ? La vérité n’a donc qu’un bras.

Dans le ciel, ensuite. Remarquons que Charlie (« Je suis Charlie Cros ») n’a pas daigné ajouter une majuscule à l’azur. Il ne s’agit donc pas de Dieu et du paradis, mais bien juste du ciel de tous les jours. Aujourd’hui, pas un nuage ne le trouble. C’est un signe que le vers dit vrai. Le soleil fatigué se couchera bientôt. Bénissons-le aussi, bien que le vers n’en dise mot.

Quant à la France, avouons qu’elle nous laisse un peu déçu, étant donné que nous ne sommes pas de ses enfants. Cela signifie-t-il que le pauvre Suisse (bel oxymore !) que je suis ne sera ni béni ni sauvé lors du Jugement ? C’est quand même pas de bol d’être passé si près de la bénédiction et d’en être exclu qu’à cause de quelques kilomètres. Peut-être mon nom me permettra-t-il de récupérer un peu de cette exclusivité hexagonale.

Dieu, frouzien ? Je le voyais moins grande gueule que cela, mais voilà, la Vérité, c’est la Vérité. N’y ajoutons pas des commentaires qui ne peuvent que la dénaturer et, avec Charles Cros, bénissons à jamais ma mère (ou la sienne, morte depuis belle lurette), et le ciel, et la France !