Il était une fois…
Le comptoir invite au conte.
C’est un contoir.
Un conte-voir.
Il était une fois un homme et une femme qui se caressaient les mains. Ils vivaient heureux et n’avaient pas d’enfants. Ils étaient l’un à l’autre leur propre enfant et se racontaient des histoires simples, se disaient « le temps passe », s’en amusaient, précisaient leur pensée : « Le temps passe comme les trains. »
Il était une fois deux femmes silencieuses qui fixaient le vide et se chuchotaient des confidences en surveillant la femme de ménage.
Il était une fois une marionnette. Sur l’affiche, c’était un cheval, une rosse de bois et de tissu, une Rossinante à grelots prête à défier les moulins à café.
A l’étage, d’autres marionnettes prenaient la poussière. De temps en temps, des visiteurs les dévisageaient. Parfois, des doigts agiles les secouaient, leur donnaient vie et les faisaient raconter des histoires pour les enfants et pour les amoureux qui se caressent les mains en se racontant que le temps passe. Que le temps passe comme les trains.
Il était une fois un dimanche après-midi, des passants peu pressés, des fleurs jaunes dans un pot, des paquets de chips dans un panier.
Il était une fois pas grand chose, la vie, le patron qui replace une chaise, des gens qui cherchent la terrasse, la serveuse qui passe un coup de patte sur une table.
Il était une fois un homme derrière son ordinateur errant de cafés en cafés, scrutateur de détails, solitaire, un homme jaloux du couple qui ne se caresse plus les mains et de la femme de ménage assise avec les deux silencieuses qui désormais discutent à bâtons rompus, bâtons de Gnafron sans doute ou du Général Moustache.
L’homme derrière l’ordinateur s’est laissé pousser la barbe. Il est heureux, presque retombé en enfance.
Mais le temps passe.
Comme les trains.
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