Blog suisse de littérature

Casanova, Mémoires 1744-1756

Elle me montre une chambre contiguë à celle où elle couchait, et située de manière que pour la voir dans tous les coins je n’avais pas même besoin de me mettre à ma fenêtre.

En guise de mur, elle avait installé une vitre. Je pouvais donc assister à ses moindres faits et gestes. Ce que j’ignorais par contre, c’était si elle, de son côté, pouvait aussi m’observer. S’agissait-il d’une de ces glaces sans tain que l'on trouve dans les commissariats pour identifier les coupables ? Ici, la coupable s’était désignée toute seule, mais étais-je son dénonciateur ou son complice ? Je l’ignorais.

Elle commença à se dévêtir, comme on pouvait s’y attendre. Fallait-il regarder ? J’étais gêné. Bien sûr que j’avais envie de regarder, mais si elle me voyait la mâter, que penserait-elle ? Sans doute voulait-elle que je l’observe, mais moi, voulais-je qu’elle m’observe l’observant ?

La seule solution, me dis-je, c’était de trouver le moyen d’entrer dans sa chambre. Je cognai à la vitre en criant : « Vous me voyez, madame ? » Comme si de rien n’était, elle ôta son chemisier. Il me sembla qu’elle avait souri. Etait-ce parce qu’elle m’avait vu ou entendu taper à la vitre ? Etait-ce mon imagination ? J’étais totalement désemparé. Sa jupe glissa le long de ses jambes. Je ne savais plus où me mettre. Fallait-il que je me déshabille moi aussi ? Je tentai d’ouvrir ma porte. Elle était fermée à clé. A la fenêtre, il y avait des barreaux. J’étais fait comme un rat.

Elle était de dos, appuyée contre la vitre, à quelques centimètres de moi. Sans doute voulait-elle que je dégrafe son soutien-gorge. Je m’approchai, hésitant, et posai ma main sur ce dos froid qui n’en était pas un. Elle se retourna brusquement, plaqua ses seins contre ma main qui ne ressentit à nouveau que la même platitude froide de la vitre. Elle sourit encore, du moins le pensai-je. Sa petite culotte tomba. Ma main glissa le long de la vitre sèche. Elle sourit encore. Elle se moquait de moi. J’étais pétrifié.

Elle sembla jouir. Peut-être ne l’ai-je qu’imaginé. En allant se coucher, elle se retourna une dernière fois vers moi.

Je ne dormis pas de la nuit, n’osant pas même ôter mes vêtements.


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.