Blog suisse de littérature

Chez Chinga, dimanche 19 février 2017, 8h30

C’est l’heure où les dames en rose lisent le Matin Dimanche en écoutant la radio parler des changements structurels de l’économie.

Après le journal, les dames décortiquent les publicités. Un petit pipi et elles s’en vont s’ennuyer à la maison comme on a toujours eu fait le dimanche.

La radio en est au seuil de pauvreté. Le dimanche est-il un jour pauvre ? Le tea-room est presque vide. Seuls y demeurent le tapotement des doigts sur l’ordinateur et la dame en rose qui finit son café en vitesse. Monsieur attend. Les sièges rouges auraient dû être chaleureux. Vides, ils font tinter la sonnette des gens qui sortent.

La dame en rose n’est plus là. Reste Chinga, qui est chez elle, les tapotements monotones de l’écrivaillon et, dans la voix radiophonique, curriculum vitae. Un miroir sombre reflète le vide de cet instant rachitique. Les pauvres doivent travailler la nuit, sans transports publics, dit la radio. C’est sans doute pour cela qu’ils ne viennent pas au tea-room le dimanche matin.

Sur les murs, des natures mortes : plat de tomates, tasse de café, salade. La radio en raconte-t-elle ? Les pauvres n’ont pas accès à la crèche. Pour une fois, il semble que non. Il faut aider, dit la voix, puis vient le mot récession et le mot tabou, redit sans cesse : pauvres. Ne serait-on plus en Suisse?

En voilà un, de pauvre. Il se précipite sur le journal. Chinga lui amène son café sans qu’il ne demande rien. Pourquoi le tapoteur l’a-t-il immédiatement estampillé indigent ? A cause de la radio, de sa chemise en jeans, de sa maigreur, de son air grave ? Peut-être est-ce un riche qui se cache, comme Laszlo Carreidas dans Tintin, Vol 714 pour Sidney, l’homme au chapeau.

S’identifier avec les problèmes de l’autre, puis pire encore, solidarité, la radio enchaîne les gros mots. Comment peut-on tolérer cela ? Le problème avec les pauvres, c’est qu’ils empêchent les riches d’être riches en paix.

Dégoûté, le tapoteur s’en va profiter de son argent à la maison. On ne devrait jamais sortir, parce qu’on voit le monde qui nous entoure. Sans solidarité, il n’y a pas de société qui fonctionne, conclut la radio. Il vaut mieux vivre seul. 


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.