Blog suisse de littérature

Cyclo café, samedi 11 mars 2017, 10h20

On se croirait revenu au temps des vélos sans chimie, au temps où les forçats de la route pédalaient encore pour de vrai.

Pourtant, ça cause foot, sans panache, sans les épopées de Louison Bobet et l’élégance d’Hugo Koblet.

Au loin, un charmant minois. En face, une main qui s’agite. Main d’homme ? Chignon, donc main de femme. Je pense à mes mains à moi qui tout à l’heure peinaient tant sur la clarinette et qui maintenant doivent recommencer vingt fois les mots sur le clavier.

Le minois sourit, se pose sur sa propre main, semble sous le charme du chignon d’en face. Je m’échappe sur une route mal pavée dans l’enfer de Paris-Roubaix au temps de Raymond Poulidor,  puis je gravis les sommets comme jadis Luis Ocana. Le joli minois ne m’a pas vu dans mes imaginaires exploits. Ses yeux noisette se perdent dans la contemplation d’un smartphone quand je n’ai pour noisette que cet expresso bientôt vide et ce sablé de chez Wernli.

Soudain, le minois devient corps entier. Il marche vers moi d’un pas leste. Ça y est. La fille s’engouffre dans les toilettes. Je la laisse s’échapper. Je n’ai pas le coup de pédale de Fausto Coppi ni celui de Joop Zoetemelk et me sens beaucoup moins canibale qu’Eddy Mercks. Je me rapprocherais plutôt en l'occurence de Bernard Hinault, le blaireau.

Le minois ressort des toilettes au sprint. Sans doute est-elle dopée, comme Abdoujaparov sur les Champs. Je me souviens de sa chute. Je me souviens aussi de Pantani, d’Armstrong et d'Indurain, ces voleurs de rêve.

Comme ces chaises dépareillées et cette serveuse maquillée au rouleau, le cyclo sonne faux. Le joli minois semble soudain mélancolique, comme si le mythe s’était effondré, comme si de Jacques Anquetil ne restait que Chris Froome.

D’autres noms soudain : Claudio Chiapucci, Tony Rominger, Pascal Richard. Le minois se ronge les ongles. Angoisse du coureur avant le contre-la-montre. Je n’ai rien de Cancellara, pas même le moteur dans le cadre. Je ne suis qu'un Laurent Fignon sans queue de cheval qui n'en finit pas de courir après Greg Lemond.

Puis ça se met à causer anglais et à beurrer des sandwichs. Le minois se caresse le visage. Jadis, les coureurs se recoiffaient avant l’arrivée. Dernière gorgée de café. Dopage artisanal.

Lucien Van Impe, Jacky Durand, Bernard Thévenet, en chasse-patate. 

Laurent Jalabert hors-délai. 


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.