Blog suisse de littérature

Cyrano de Bergerac, Les États et Empires du Soleil

  • Vincent Francey

J’avançais donc chemin, quand tout à coup je me sentis obligé de rebrousser arrière ; car mon vénérable geôlier, et quelques dizaines d’archers de sa connaissance, qui l’avaient tiré des mains de la racaille, s’étant ameutés, patrouillant toute la ville pour me trouver, se rencontrèrent malheureusement sur mes voies.

– Ô mon gracieux hôte, me harangua-t-il avec vigueur, n’ayez donc telle frayeur ; mes acolytes et moi-même ne souhaitons que bienfaits et magnanime consolation à votre auguste personne.

– J’en doute fort, lui répondis-je, circonspect.

– C’est que vous vous méprenez, ô délicieux futur locataire de mes sombres appartements, moi-même et mes affidés sommes bons bougres et hommes d’honneur, du moins ont le privilège de l’être ces distingués gens d’armes qui me tiennent heureuse compagnie, m’ayant, alors que j’étais en un état tout à fait parallèle à celui qui vous oppresse, ôté de l’esprit toute velléité de charognerie, tant et si bien que nous n’avons, ô prestigieux invité de nos galantes mais parcimonieuses sauteries, d’autre espérance que celle, ô combien mirifique, de vous remettre sur le droit chemin que jamais oncques homme ne rebroussa.

– Tu parles ! Toutes ces salamalecs, arguties et autres logorrhées ne sont que menteries et forfaitures, suppôt de Satan ! Va te faire voir chez les Astèques !

Mon geôlier alors me tourna le dos et s’adressa à ses archers en ces termes que mon esprit délicat trouva fort peu à son goût :

– Mes chers sbires et séides, notre vénérable obligé semble prendre mes nobles exhortations en défaut. Je me vois donc dans l’horrifique obligation de céder à votre main courroucée la juste tâche que la rhétorique dont j’usai pourtant à bon escient ne put hélas accomplir dans sa plénitude. Que votre matraque se fasse l’instrument du retour de cet égaré sur les voies de l’entière félicité. Cassez-lui la gueule à foison !

Ils ne se firent pas prier, mais mon vénérable geôlier, dans sa grande sagesse, trouva néanmoins à mes tourments une porte de sortie. Je serai pendu demain.

Délicat dialogue carcéral en prolongement d'une phrase de Cyrano de Bergerac.


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Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.