La maison, qui est vaste, sombre et, même à midi, froide, remonte au temps des familles nombreuses, au temps où les invités arrivaient par charriots entiers. Paul y vit seul. Il parcourt sans fin de son pas lent les grandes pièces vides qui prennent la poussière, il monte et il descend des escaliers dont le bois craque chaque jour un peu plus, il s’assied sur tous les fauteuils défoncés et sur tous les tabourets de la maison, il met une bûche dans le feu les soirs d’hiver et les matins d’été parce la maison est toujours froide, froide de ne pas être habitée, sinon par Paul, qui souvent se demande s’il n’est pas déjà un fantôme, s’il n’est pas déjà le gardien d’une ruine, le conservateur d’un musée sans visiteurs. Des invités, il n’en vient plus depuis la mort de Marguerite. Les derniers, c’était pour l’enterrement, Monique et Jean, le curé, peut-être Ernest. Paul a de la peine à se souvenir. Ils lui ont dit toute leur sympathie et Paul leur a dit merci, puis ils sont partis. Depuis, Paul parcourt de son pas lent sa grande maison, il est à la recherche de Marguerite ou de son fantôme ou d’un signe de vie. Parfois, il tombe sur une lettre oubliée où elle écrivait je t’aime. Est-ce que c’était adressé à lui ? Paul fait comme si. Marguerite m’aimait, se dit-il, puis il se lève, va mettre une bûche dans le feu, monte et descend les escaliers, ne trouve aucune autre trace de Marguerite. Paul n’entre jamais dans la chambre de Marguerite. Parfois, il s’arrête sous sa fenêtre. Des myosotis ont poussé dans la terre où elle s’est fracassée.
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