Blog suisse de littérature

Le Centre, lundi 1er août 2016, 9h15

Mélange d’arabe et de suisse allemand dans mes oreilles.

Les Romands lisent le journal en silence. Sans doute font-ils semblant, terrorisés. Comment tenir le coup dans de telles conditions ? Les étrangers parlent plus fort que les Suisses. C’est la triste réalité. Le jour de la fête nationale, on s’attendrait pourtant à un minimum de décence. Seul le serveur fait comme s’il n’entendait pas l’appel du muezzin.

Un moineau s’est introduit en catimini dans le bistrot, comme un terroriste étranger. Pléonasme, me dis-je, lobotomisé par l’appel de l’UDC. Pourtant, on ne peut faire plus suisse que la nouveauté du jour : « Le véritable fribourgeois : cuchaule burger ! » Si avec ça, on ne fait pas fuir les indésirables ! Tiens, et si je m’en commandais un pour le petit déjeuner afin de leur montrer ma vaillance et mon patriotisme ?

Il faut bien admettre que la langue arabe - peut-être d’ailleurs est-ce une autre langue, mon oreille n’est pas encore formée, mais cela ne saurait tarder, ils sont partout, c’est le grand remplacement, patati, patata, le délire s’empare de moi comme un Rom s’empare de votre femme pour la violer - est plus agressive qu’un discours de Johann Schneider-Amman. Tu vas voir que tout soudain ils vont sortir des poignards de leurs poches pour m'assassiner (je suis à un mètre d’eux, je réclame une médaille, s’il vous plaît, monsieur Parmelin, je n’en ai jamais eu du temps de Samuel Schmidt).

Puis entrent des métis qui parlent français. Mon racisme ordinaire fond devant la petite fille qui boude. La voilà qui sourit. Le petit garçon a les yeux qui brillent. Je deviens neuneu. La serveuse de couleur - jolie expression, c’est comme si elle nous donnait des Caran d’Ache et des cahiers à spirales - a déjà disparu mais elle avait du charme, des yeux profonds, la peau douce, les seins fermes, les… J’extrapole.

Mon nouveau voisin de table ronchonne dans sa barbe.

Les gamins café au lait s’instruisent en lisant Le Matin, à chacun le sien, pas de jaloux : « Papa, il fait quoi le chevaux ? » Le cheval, comme le vieux barbu, va chercher et rapporter tous les journals du jour, il les lit en trente seconde top chrono puis il se lève et va chercher un autre canard. C’est son sport du matin. Lui aussi, il fait semblant, bien sûr, parce que les Arabes sont toujours là, plus menaçants que jamais. Puis il faut secouer le jus d’ananas. La serveuse de couleur n’a finalement pas les yeux si profond que cela. N’extrapolons plus.

Un moustachu dévisage les… Au fond, sont-ils vraiment arabes ? Sans doute non, puisqu'ils sont noirs. Et sont-ils si excités que cela ? C’est sans doute nous qui sommes mous.

Le voisin s’énerve toujours dans sa barbe.

Demain, la guerre ? Nicolas de Flüe a trop bouffé de cuchaule-burger. Ça ne va pas tarder à péter. Je pars en courant. La lâcheté, c’est quand même notre sport national, à nous les Suisses, non ? 


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A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.