Blog suisse de littérature

Natacha Appanah-Mouriquand, Les Rochers de poudre d’or

J’ai avancé la lampe devant moi et je me suis lentement habitué à la pénombre.

C’était une de ces vieilles lampes à huile que mon oncle Hubert amenait le soir au canal quand la nuit s’ouvrait aux discussions infinies, aux thèses farfelues et aux anathèmes définitifs. La flamme tremblait et dessinait sur la feuille des ombres d’or que venait caresser l’encre de ma plume.

J’avais posé le cahier, la lampe et l’encrier sur l'un de ces pupitres verts où nous jouions à l’école avec ma cousine. Les mots, ce soir-là, coulaient de ma plume et de mon esprit comme l’Arbogne en cascade. J’écrivis, sans m’arrêter, pendant une heure, une œuvre de génie, me sembla-t-il, un poème merveilleux, une pensée enfin libre, mon chef-d’œuvre, pensai-je.

Puis le cahier fut plein, comme est plein un œuf avant l’éclosion. Il était temps de me relire, mais je tremblais plus encore que la flamme de la lampe tant j’avais peur de n’avoir, dans mon fol élan, écrit que des banalités.

Alors la lampe s’est brisée. Le cahier a pris feu. Ma chandelle est morte.

Je ne me suis jamais habitué à la pénombre du jour d'après. 


Post précédentFrancis Volery, De Profundis de FailloubazPost suivantPhotogriffouille 11

Commentaires et réponses

×

Nom est requis!

Indiquez un nom valide

Adresse email valide requise!

Indiquez une adresse email valide

Commentaire est requis!

* Ces champs sont requis

Soyez le premier à commenter

A propos

Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.

Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.