Patrick Chamoiseau, Une enfance créole II, Chemin-d’école
Partout c’est le même cri de détresse : « Manman, je veux pas y aller, manman, le monsieur de l’école il est méchant, manman, il tape sur les doigts, manman, t’es pas gentille, manman, je te déteste ! »
Les manmans restent de marbre. Elles se taisent. Toutes. Pas question de faire preuve de faiblesse devant les autres manmans. L’école, c’est obligatoire, on n’a pas le choix d’y aller ou pas, qu’elles disent toutes, les manmans, rien à faire, on n'y échappera pas.
Puis les manmans une à une s’en vont et il n’y a plus que des enfants. Alors on arrête de pleurer, parce qu’on est des grands maintenant, on est des papillons, plus des chenilles, et puis ce n’est plus le monsieur d’avant à l’école, c’est une dame et elle est gentille, la dame, elle te tape pas sur les doigts, la dame, elle a les mains toutes douces, la dame, et elle sent bon, la maîtresse, alors on est déjà tous amoureux d’elle, même que les filles elles boudent, mais bon, les filles, ça boude tout le temps de toute façon.
Elle dit plein de choses, la maîtresse, on n’écoute pas tout, bien sûr, mais on fait comme si et elle est contente. Elle a une jolie voix, la maîtresse, et des jolis cheveux. Elle parle, elle parle, elle parle et c’est déjà fini.
On rentre à la maison sans se presser. On a oublié que ce matin on pleurait.
« Bonsoir, manman, pourquoi t’as les yeux tout rouges ? »
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A propos
Lie tes ratures, littérature, ce blog se veut l'atelier de mon écriture. J'y déverse en vrac des notes prises au jour le jour, l'expansion de ces notes en des textes plus élaborés, des réflexions et des délires, des définitions et des dérives, bref tout ce qui fait le quotidien d'un homme qui écrit, ici, en Suisse, ailleurs, dans mes rêves et à travers le monde qui m'entoure.
Bref, ce blog suisse de littérature partira dans des directions variées qui, je l'espère, sauront vous parler.
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