Faisons dans le gentil et le politiquement correct. A l’heure du cynisme roi et de l’UDC à presque trente pour cent, ça fait du bien de faire un peu son gauchiste idéaliste bien-pensant. Bien penser aujourd’hui est mal vu. Il faut penser selon la norme, vite et mal, ruer dans le tas d’immondices, s’indigner devant des photos ou des desssins, cracher son venin sur facebook, affirmer sa haine sans honte, insulter les misérables, leur foutre tous les malheurs du monde sur le dos, se pavaner dans sa bêtise, mais bien penser, non, penser, c’est déjà trop. Alors l’idéal, voyez-vous, c’est exclu. Préférons le bon sens, celui qui marche au pas bien aligné, celui qui fait de la fête fédérale des fanfares un défilé militaire avant d’être un lieu de rencontres musicales. Le bon sens terrien, voit-on sur les affiches qui polluent le bord des routes, avec en dessous « Rester libre ; votez UDC », comme si la liberté était défendue par ce parti qui n’a que des sanctions à l’esprit, qui passe son temps à refuser le monde, à se barricader dans la peur et la certitude d’avoir raison contre le reste de l’humanité, dans sa belle Suisse ripolinée où forcément on adore l’accordéon schwytzois, la lutte à la culotte et la saucisse cramée, cette belle Suisse qui a toujours raison. La preuve ? On est riche. On est donc meilleur. Le problème, c’est que la Suisse, de fait, est un parasite, qu’elle doit sa richesse à l’exploitation des pauvres dans le reste du monde, qu’elle doit sa propreté à l’esclavage des étrangers qui balaient, qu’elle doit sa bonne conscience à sa fermeture d’esprit. Mais je me rends compte que je ne suis plus ni politiquement correct ni gentil. On ne sort pas de l’esprit du temps si facilement.